Le mensonge des chiffres verts
Vous venez de boucler votre exercice. Le CA est au rendez-vous, même légèrement au-dessus de vos objectifs. Votre comptable vous annonce un résultat positif. Vous respirez. L’agence tourne.
Et pourtant, un truc cloche.
Votre trésorerie est tendue en permanence. Certains mois, vous vous demandez comment vous allez passer les salaires. Vous avez l’impression de courir tout le temps sans jamais décoller vraiment. Et surtout, vous ne comprenez pas : avec tout ce CA, où passe l’argent ?
Bienvenue dans le club très fermé des agences rentables… sur le papier. Les études du secteur montrent qu’en moyenne près de 15 % des heures facturables ne sont jamais facturées dans les sociétés de service. Pire encore : dans les entreprises de services qui ne suivent pas précisément leurs heures facturables, la perte peut atteindre jusqu’à 50 000 $ de revenus annuels par collaborateur..
Le pire ? Ces pertes sont invisibles. Elles ne figurent dans aucun tableau Excel. Votre expert-comptable ne les voit pas. Vos associés non plus. Mais elles sont là, bien réelles, et elles plombent silencieusement votre rentabilité.
#1 : Le temps fantôme qui tue votre marge
Le principe : ce que vous ne voyez pas vous coûte une fortune
Parlons cash. Vous vendez un projet 50K€. Vous budgétez 400 heures de production. Vous livrez. Le client est content. Projet bouclé, non ?
Pas vraiment.
Parce que vos équipes ont passé 530 heures sur ce projet. Sauf que 130 heures n’apparaissent nulle part. Pourquoi ? Parce qu’elles n’ont jamais été saisies. Ou parce qu’elles ont été « absorbées » dans d’autres lignes budgétaires. Ou parce que vos collaborateurs ont travaillé le soir et le week-end sans le déclarer, histoire de ne pas faire exploser le budget.
À 70€ de coût horaire moyen (salaire chargé), ces 130 heures fantômes représentent 9 100€ de perte sèche. Sur ce projet censé être rentable. Multipliez par 20 projets dans l’année, et vous venez de perdre 182 000€ sans même vous en rendre compte.
Selon les études récentes, les chiffres sont implacables : 15% des activités facturables passent à la trappe dans les entreprises de services professionnels. Un sixième de votre capacité de production qui s’évapore dans la nature. Les principales sources ? Les réunions internes interminables, les ajustements « vite fait » non budgétés, les allers-retours clients qui n’étaient « pas prévus », les tâches administratives qui parasitent la production.
Et le pire, c’est que tout le monde trouve ça normal. « C’est le jeu », vous dit-on. « Il faut bien satisfaire le client. » Sauf que satisfaire le client en y laissant des plumes, ce n’est pas un business model. C’est une lente hémorragie.
La solution : traquer chaque heure comme si votre survie en dépendait
La première étape, c’est d’IMPOSER une saisie exhaustive du temps. Pas « quand on y pense ». Pas « en gros ». Exhaustive. Chaque heure passée sur chaque projet doit être tracée. Y compris les réunions, les ajustements, les validations interminables.
Vous allez entendre des résistances : « Ça prend du temps », « On n’est pas dans une usine », « Ça casse la créativité ». Traduisez : « Je préfère ne pas savoir que je perds de l’argent. » Parce que c’est exactement ce qui se passe. Sans saisie rigoureuse, vous pilotez à l’aveugle.
Ensuite, analysez l’écart entre temps budgété et temps réel sur CHAQUE projet. Pas à la fin de l’année quand il est trop tard. En cours de route. Vous avez vendu 400 heures et vous en êtes déjà à 350 alors que vous n’avez livré que 60% du projet ? Houston, on a un problème. Il est encore temps de recadrer, de renégocier un avenant, de réaffecter les ressources.
Identifiez vos voleurs de temps chroniques :
- Les réunions non préparées qui durent deux fois trop longtemps
- Les briefs clients flous qui génèrent 10 allers-retours
- Les validations en cascade qui immobilisent les équipes
- Les « petits ajustements » qui se transforment en refonte complète
Puis traquez impitoyablement ces fuites. Une réunion sans ordre du jour ? Annulée. Un brief client incomplet ? On ne démarre pas la prod avant clarification. Des validations qui traînent ? Mise en place d’un délai butoir automatique. Des ajustements hors périmètre ? Facturation systématique en avenant.
Le résultat ? Vous savez ENFIN combien vous coûte réellement chaque projet. Plus de mauvaises surprises. Plus de « on pensait être rentables ». Vous SAVEZ. Et vous pouvez agir en conséquence.
#2 : L’avant-vente, ce gouffre financier invisible
Le principe : vous payez pour perdre des appels d’offres
Soyons honnêtes : combien d’heures passez-vous sur les réponses à appels d’offres, les pitchs, les avant-projets gratuits pour « convaincre le prospect » ?
Faites le calcul sur le dernier trimestre. Vous allez avoir un choc.
Une agence de 40 personnes consacre en moyenne 15 à 25% de sa capacité de production à l’avant-vente. On parle de milliers d’heures par an. Des journées entières passées à préparer des propositions détaillées, concevoir des maquettes « pour donner une idée », rédiger des stratégies complètes… pour des clients qui au final signent chez le concurrent ou ne signent jamais.
Votre taux de conversion sur les opportunités ? Si vous êtes honnêtes, il tourne autour de 30-40%. Ça veut dire que 60 à 70% de votre investissement avant-vente part directement à la poubelle. Ou pire : enrichit le concurrent qui rafle le deal avec VOS idées.
Selon une étude sur les cabinets de conseil publiée par Modèles de Business Plan, le coût d’acquisition client (CAC) représente entre 10 et 18% du chiffre d’affaires généré par client, incluant prospection, marketing, avant-vente et temps non facturable. Pour une structure qui fait 3M€, on parle de 300 000 à 540 000€ qui s’évaporent chaque année dans le cycle commercial. L’équivalent de 5 à 9 salaires à temps plein qui bossent pour décrocher des contrats.
Et le pire ? Vous ne les comptabilisez même pas comme une perte. « C’est le coût du développement commercial », vous dites-vous. Sauf que le développement commercial, ça se mesure, ça se pilote, ça se rentabilise. Là, vous arrosez large en espérant que quelques gouttes tombent au bon endroit.
Ce qui marche vraiment : arrêter de travailler gratuitement
Première règle : TOUT se facture, ou presque. L’audit de situation ? Facturé. L’étude préalable ? Facturée. La recommandation stratégique ? Facturée. Même à prix cassé, même symboliquement, mais facturée.
Vous allez objecter : « Mais les prospects ne vont jamais payer pour de l’avant-vente ! » Faux. Les MAUVAIS prospects ne paient pas. Les bons, ceux qui respectent votre expertise et qui ont un vrai budget, acceptent parfaitement de payer une phase de cadrage. D’ailleurs, ceux qui refusent sont généralement ceux qui vont vous faire le plus ch*** ensuite.
Mettez en place un système de qualification STRICT des opportunités. Avant de mobiliser vos équipes sur une réponse à appel d’offres, posez-vous trois questions :
- Le budget est-il réel et dimensionné ? (pas « on verra selon les propositions »)
- Le décisionnaire est-il identifié et accessible ? (pas « le comité décidera »)
- Avons-nous un avantage concurrentiel réel sur ce dossier ? (pas « on tente notre chance »)
Si vous répondez « non » à l’une de ces questions, passez votre chemin. Votre temps vaut mieux que ça.
Ensuite, standardisez vos réponses pour les opportunités « moyennes ». Créez des modules réutilisables, des trames éprouvées, des cas clients qui se greffent facilement. L’objectif : diviser par trois le temps passé sur une proposition standard. Gardez le sur-mesure pour les VRAIES belles opportunités, celles où vous avez vos chances.
Facturez systématiquement les phases de diagnostic, même à prix réduit. Un audit facturé 2 000€ qui vous prend 2 jours vaut mieux qu’un audit gratuit qui vous en prend 3. Le prospect est engagé financièrement, il vous prend au sérieux, et vous récupérez au moins une partie de l’investissement. Bonus : si vous ne remportez pas le projet, au moins vous n’avez pas tout perdu.
Enfin, traquez votre taux de conversion et votre coût d’acquisition client. Combien d’opportunités qualifiées transformez-vous en projets signés ? Combien d’heures investissez-vous en moyenne pour décrocher un nouveau client ? Quel est le CA moyen par client gagné ? Ces trois métriques vous disent instantanément si votre machine commerciale est saine ou si elle vous coûte plus qu’elle ne vous rapporte.
Le résultat ? Vous arrêtez de travailler gratuitement pour des prospects qui ne signeront jamais. Vous concentrez vos efforts sur les VRAIES opportunités. Et votre avant-vente devient enfin un investissement rentable plutôt qu’un gouffre financier.
#3 : Les projets zombies qui vampirisent vos ressources
Le principe : les projets qui ne meurent jamais
Vous les connaissez. Ces projets qui auraient dû se terminer il y a trois mois. Qui sont « presque finis » depuis six semaines. Où le client demande « un dernier petit ajustement » toutes les deux semaines. Où vos équipes passent encore « quelques heures » par-ci par-là pour « boucler les derniers détails ».
Officiellement, le projet est livré. Facturé. Soldé. Mais dans les faits, il continue de pomper des ressources. Un dev qui corrige un bug « vite fait ». Un chef de projet qui fait un point avec le client « pour être sûr que tout roule ». Un graphiste qui ajuste « trois bricoles » sur les visuels.
Multipliez ces « quelques heures » par le nombre de projets en mode zombie dans votre agence. Ça représente quoi ? Un équivalent temps plein ? Deux ? Plus ?
Les études sur le sujet sont rares mais édifiantes : dans les agences qui ne clôturent pas formellement leurs projets, 10 à 15% de la capacité de production est absorbée par des interventions post-livraison non facturées. Pour une agence de 40 personnes, ça représente l’équivalent de 4 à 6 collaborateurs à temps plein qui bossent sur des projets censés être terminés.
Le problème, c’est que ces heures sont invisibles dans votre pilotage. Elles n’apparaissent pas comme du temps projet puisque le projet est « fini ». Elles ne sont pas budgétées puisque « c’est juste du SAV ». Résultat : elles disparaissent dans les limbes de votre reporting. Mais elles plombent quand même votre rentabilité réelle.
Pire encore : elles créent un précédent. Le client a compris qu’il peut obtenir des ajustements gratuits. Vos équipes ont intégré que « finir un projet » ne veut rien dire puisqu’on reviendra dessus de toute façon. Et vous, vous vous retrouvez avec des ressources mobilisées sur de l’ancien alors qu’elles devraient être sur du nouveau.
Le remède : clôturer pour de bon
Instaurez une procédure de clôture formelle. Un projet n’est terminé que lorsque :
- Tous les livrables ont été validés par le client (avec sa signature, pas juste un « ok » verbal)
- La facture finale a été émise ET encaissée
- Une réunion de clôture a acté formellement la fin de mission
- Le projet a été administrativement fermé dans vos outils
Avant cette clôture formelle, TOUT reste ouvert. Après ? TOUT est fermé. Une demande post-clôture = nouvelle commande = nouvelle facturation. Pas de zone grise, pas d’exception.
Définissez clairement dans vos contrats ce qui relève de la garantie (corrections de bugs réels sur la période convenue) et ce qui relève d’une nouvelle prestation (évolutions, ajustements, nouvelles demandes). La garantie, vous l’assumez. Le reste, vous le facturez. Point.
Formez vos équipes à dire NON. Vos collaborateurs sont gentils, ils veulent bien faire, ils ne veulent pas décevoir le client. Résultat : ils acceptent des « petites demandes » qui ne sont jamais petites. Apprenez-leur à répondre : « Avec plaisir ! Je te fais un devis pour cette demande complémentaire et on s’organise. »
Mettez en place des avenants systématiques pour toute demande post-livraison dépassant 2 heures de travail. Pas de « on verra à la fin ». Pas de « on s’arrangera ». Dès que le client sort du périmètre, vous sortez le bon de commande. Ça vous semble bourrin ? C’est juste professionnel. Et accessoirement, ça vous permet de rester rentable.
Le résultat ? Vos projets se terminent vraiment. Vos ressources sont disponibles pour de nouvelles missions facturables. Vos clients respectent le périmètre contractuel. Et vous arrêtez de saigner de l’argent sur des interventions fantômes.
| Source de perte | Ce qui bloque | Impact business (avec chiffres clés) |
|---|---|---|
| 1. Temps fantôme | Heures non saisies, tâches non tracées, interne non maîtrisé | Jusqu’à 15% de CA perdu, 130 h/mois envolées, soit 9 100 € → 182 000 €/an en moyenne |
| 2. Avant-vente non maîtrisée | Travail gratuit, faible conversion, AO non qualifiés | 15–25% du temps prod absorbé, 60–70% d’avant-vente inutile, CAC = 10–18% du CA |
| 3. Projets zombies | Post-livraison non facturée, périmètre flou | 10–15% de capacité bloquée, 4–6 ETP immobilisés, projets qui consomment sans générer de CA |
| 4. Sous-pricing | Mauvais chiffrage, remises, coût réel inconnu | -25 à -35% de marge, remises jusqu’à -30%, dérapages pouvant atteindre +70% d’heures |
| 5. SaaS & outils non maîtrisés | Outils inutilisés, stack éclatée, double saisie | 30% du budget SaaS gaspillé, jusqu’à 14 400 €/an perdus en doublons + productivité en chute |
#4 : Le sous-pricing chronique
Le principe : vous bradez votre expertise sans vous en rendre compte
Question piège : sur votre dernier projet, vous avez vendu combien de jours ? Et vous en avez réellement consommé combien ?
Si comme 90% des agences, vous avez vendu 30 jours et vous en avez consommé 38, félicitations : vous venez de brader 27% de votre marge. Et ça, c’est en comptant uniquement les heures que vous avez tracées. Si on ajoute le temps fantôme dont on parlait plus haut, vous êtes probablement plus proche des 40-45%.
Le sous-pricing n’est pas toujours volontaire. Parfois, c’est juste que vous estimez mal. Vous pensez qu’un projet prendra 200 heures, il en prend 280. Normal, me direz-vous. Sauf que si TOUS vos projets dérapent systématiquement de 30 à 40%, le problème n’est pas dans l’exécution. Il est dans votre modèle de pricing.
La réalité du terrain est sans appel : les agences qui ne maîtrisent pas leur chiffrage initial subissent une érosion moyenne de 25 à 35% sur la marge opérationnelle réelle comparée à la marge théorique. Chaque projet vendu devient progressivement déficitaire au fur et à mesure de son exécution.
Mais il y a pire que le sous-pricing accidentel : le sous-pricing « stratégique ». Vous savez, ces moments où vous vous dites « on va casser le prix pour rentrer chez ce client », « on va faire un geste commercial parce que c’est un secteur porteur », « on va s’aligner sur le concurrent même si on sait qu’on perd de l’argent ».
Le raisonnement semble tenir : perdre un peu aujourd’hui pour gagner beaucoup demain. Sauf que « demain » n’arrive jamais. Le client qui a négocié 30% de rabais continue de négocier à chaque nouveau projet. Le « client d’appel » qui devait ouvrir un secteur reste finalement un cas isolé. Et pendant ce temps, vous avez mobilisé vos meilleures équipes sur des projets déficitaires au lieu de chercher des clients rentables.
Le virage à prendre : vendre au juste prix
Première règle absolue : calculez votre coût de revient RÉEL. Pas le coût théorique « si tout se passe bien ». Le coût réel, historique, constaté. Analysez vos 20 derniers projets similaires. Combien d’heures ont-ils vraiment consommé ? Quel a été le taux de dérapage moyen ? Quelle a été la part de temps non facturable ?
Ce coût de revient réel, c’est votre plancher. En dessous, vous perdez de l’argent. Point. Peu importe que le client soit « stratégique » ou que le projet soit « prestigieux ». Si vous vendez sous votre coût de revient, vous payez le client pour travailler avec vous. C’est votre droit. Mais assumez-le en conscience.
Ensuite, intégrez SYSTÉMATIQUEMENT une marge de sécurité de 20 à 30% dans vos chiffrages. Vous pensez que ça prendra 200 heures ? Vendez 250. « Mais le client ne va jamais accepter ! » Si, il acceptera. Et s’il n’accepte pas, c’est qu’il n’a pas le budget pour un projet de cette ampleur. Mieux vaut ne pas démarrer qu’accepter un projet déficitaire qui va vampiriser vos ressources.
Refusez les projets structurellement non rentables. Oui, même celui du CAC 40. Même celui qui « ferait bien en référence ». Même celui où « le CMO est un pote ». Un projet non rentable ne devient pas rentable par magie. Il plombe juste votre trésorerie et mobilise des ressources qui pourraient être sur des projets sains.
Mettez en place un système d’alerte précoce sur les dérapages budgétaires. Dès que vous atteignez 70% du budget consommé alors que vous n’avez livré que 50% du projet, vous déclenchez une revue. Soit vous renégociez le périmètre, soit vous facturez un avenant, soit vous stoppez les frais. Mais vous n’attendez pas d’être à 150% du budget pour réagir.
Le résultat ? Vous vendez enfin au juste prix. Vos projets sont structurellement rentables dès la signature. Vous arrêtez de subventionner vos clients avec votre trésorerie. Et quand un projet se termine, vous avez VRAIMENT gagné de l’argent, pas juste sur le papier.
Furious nous a fait gagner 10% du temps général de l’agence. Cela peut sembler peu, mais en grandissant, c'est énorme. Il y a beaucoup de choses qu’on a automatisées grâce à Furious. Et surtout, l'automatisation et les indicateurs réguliers ont fait une grande différence.
David Aït-Ali CEO, Rebellion
#5 : Les outils et abonnements qui s’empilent
Le principe : la mort par mille coupures de carte bancaire
Combien d’outils SaaS payez-vous chaque mois ? Allez, vraiment, combien ?
Si vous êtes comme 95% des agences, vous n’en avez aucune idée. Il y a les outils « officiels » que vous connaissez : le CRM, l’outil de gestion de projet, la suite bureautique. Et puis il y a tous les autres. Ceux que Machin a souscrit parce qu’il en avait besoin pour un projet. Ceux que vous avez testés il y a six mois et que vous n’avez jamais résiliés. Ceux que vous payez en double parce que trois équipes ont souscrit au même service sans se parler.
Faites l’exercice : passez en revue tous vos prélèvements bancaires des trois derniers mois. Additionnez tous les abonnements SaaS. Vous risquez d’avoir un choc.
Une étude Gartner révèle que les entreprises de services gaspillent en moyenne 30% de leurs dépenses SaaS sur des licences non utilisées, des doublons ou des outils sous-exploités. Pour une agence de 40 personnes qui dépense 4 000€ par mois en outils, ça représente 14 400€ qui partent en fumée chaque année. Sans compter le temps perdu à naviguer entre quinze outils différents qui ne communiquent pas entre eux.
Mais il y a plus grave que les doublons : l’effet Frankenstein. Vous avez un outil pour le CRM. Un autre pour les devis. Un troisième pour le planning. Un quatrième pour le suivi temps. Un cinquième pour la facturation. Un sixième pour les achats. Un septième pour le pilotage.
Résultat ? Personne n’a la vue d’ensemble. Pour sortir un chiffre de rentabilité sur un projet, il faut croiser manuellement les données de quatre outils différents. Pour suivre l’avancement d’une affaire commerciale, il faut jongler entre le CRM et l’outil de devis. Pour piloter votre trésorerie, il faut exporter trois fichiers Excel et prier pour que les formules tiennent le coup.
Ce mille-feuille digital vous coûte une fortune. Pas seulement en abonnements. En temps humain. En erreurs de saisie. En décisions prises sur des données incomplètes ou obsolètes. En opportunités ratées parce que vous n’avez pas l’info au bon moment.
Le plan d’action : faire le ménage dans votre stack
Lancez un audit complet de votre stack technologique. Listez TOUS les outils et abonnements que vous payez. Pour chacun, posez trois questions :
- Est-il vraiment utilisé ? (pas « on pourrait l’utiliser », vraiment utilisé au quotidien)
- Est-il indispensable ? (si on l’enlevait demain, ça bloquerait quoi concrètement ?)
- Fait-il doublon avec un autre outil ? (même partiellement)
Tout ce qui ne passe pas ces trois filtres : résiliation immédiate. Vous venez probablement de libérer 20 à 30% de votre budget SaaS.
Ensuite, privilégiez la consolidation plutôt que la dispersion. Un outil all-in-one qui couvre 80% de vos besoins vaut souvent mieux que cinq outils spécialisés qui couvrent chacun 100% d’un besoin mais ne se parlent pas entre eux. L’efficacité opérationnelle que vous gagnez en centralisant compense largement la perte de quelques fonctionnalités pointues dont vous ne vous serviez pas vraiment.
Imposez un processus de validation pour toute nouvelle souscription. Un collaborateur veut tester un nouvel outil ? Parfait, mais ça passe par une validation formelle qui vérifie qu’on n’a pas déjà quelque chose qui fait le job et que le ROI est démontrable. Fini les souscriptions sauvages qui se transforment en abonnements oubliés.
Négociez vos contrats. La plupart des éditeurs SaaS pratiquent des prix publics gonflés avec des marges de négociation importantes. Vous payez 10 licences ? Demandez un tarif dégressif. Vous êtes client depuis trois ans ? Exigez un geste commercial. Vous hésitez avec un concurrent ? Faites jouer la concurrence. Vous pouvez souvent obtenir 15 à 30% de réduction juste en demandant.
Le résultat ? Vous savez exactement ce que vous payez et pourquoi. Vous arrêtez de financer des licences fantômes. Vous gagnez en efficacité opérationnelle en simplifiant votre stack. Et vous récupérez plusieurs milliers d’euros par an qui partaient bêtement dans des abonnements inutiles.
Reprendre le contrôle (avant qu’il ne soit trop tard)
Ces cinq sources de fuite représentent collectivement entre 20 et 40% de votre rentabilité théorique. Relisez cette phrase. Entre 20 et 40%. C’est colossal.
Vous pensiez faire 15% de marge opérationnelle ? Dans les faits, vous êtes probablement entre 5 et 10%. Vous pensiez être à l’équilibre ? Vous êtes peut-être dans le rouge sans le savoir. Vous pensiez dégager du cash ? Il part en fumée avant même d’arriver sur votre compte.
Le pire, c’est que ces pertes sont silencieuses. Votre expert-comptable ne les voit pas parce qu’elles ne figurent pas dans les comptes. Vos associés ne les voient pas parce qu’ils regardent le CA et le résultat net. Vos équipes ne les voient pas parce qu’elles font juste leur job du mieux qu’elles peuvent.
Mais VOUS, vous devez les voir. Parce que c’est votre responsabilité de dirigeant de piloter la rentabilité réelle, pas la rentabilité fantasmée.
Les trois questions à vous poser dès maintenant :
- Combien d’heures réelles (pas budgétées, RÉELLES) mes équipes ont-elles passé sur mes cinq derniers projets ?
- Quelle part de ma capacité de production part dans l’avant-vente non facturée ?
- Combien de projets « terminés » continuent de pomper des ressources sans être facturés ?
Si vous ne pouvez pas répondre précisément à ces trois questions, vous pilotez à l’aveugle. Et piloter à l’aveugle, ça marche tant que la route est droite. Mais au premier virage, vous finissez dans le décor.
Il est temps de reprendre le contrôle.
Arrêtez de gérer votre agence au doigt mouillé. Arrêtez de découvrir vos résultats deux mois après la clôture. Arrêtez d’espérer que « ça va finir par rentrer ». Installez un pilotage qui vous donne la VRAIE image de votre rentabilité. En temps réel. Sur chaque projet. Sur chaque client.
Parce qu’une agence qui ne connaît pas ses coûts réels est une agence qui court à la catastrophe. Peut-être pas aujourd’hui. Peut-être pas ce mois-ci. Mais inévitablement, le réveil sera brutal.
Vous méritez mieux que ça. Vos équipes méritent mieux que ça. Votre boîte mérite mieux que ça.
Alors, on fait quoi ? On continue de perdre de l’argent sans le savoir, ou on reprend le pilotage ?